Sauvée par un gribouillage

 





ETUDE DE CAS :

PROCESSUS DE CREATION D'UNE PEINTURE EN ART THÉRAPIE ANALYTIQUE



Aujourd'hui je vais vous décortiquer un processus de création tel que cela se passe dans un atelier d'art thérapie analytique.

Nous allons voir pourquoi l'ATA (l'art thérapie analytique) se démarque de l'AT ; Ce que c'est et ce que ce n'est pas ; les mises en garde ; le processus.

Puis je vous partagerai une étude de cas pour vous montrer comment ça se passe.



Pourquoi l'ATA est elle une approche vraiment intéressante ?

L'art thérapie analytique est encore une approche marginale de l'art thérapie en peinture. Il y a de nombreuses formations qui mettent en garde contre les analyses.

Ceci à juste raison :

  • risque de projeter son inconscient de thérapeute et ses problématiques

  • risque de ne pas entendre le dévoilement suggéré par le client par trop d'interprétations personnelles intérieures (bruit mental)

  • risques de transfert – inévitable – et contre transfert inadéquat


On voit bien que le problème pour poser une relation thérapeutique dans l'analyse formelle et symbolique viendrait du thérapeute, qui n'aurait pas suffisamment travaillé sur son ombre (son inconscient refoulé).


Le passage obligé me semble donc de passer par une formation certifiante qui validera un parcours approfondi et un examen final vérifiant que l'aspirant art thérapeute analytique est qualifié pour cela.


Une fois ces critères cochés, l'approche de l'art thérapie par l'analyse de l'inconscient est un pur joyaux pour avancer sereinement sur son chemin. Et ce serait dommage de s'en passer.


Pour donner une idée approximative de ce que ça va chercher, il y a un parallèle avec l'analyse des rêves nocturnes. La difficulté avec les rêves c'est de s'en souvenir au petit matin et surtout de les fixer. Dans le processus de création en ATA (art thérapie analytique) c'est comme si nous fixions un rêve éveillé tout chaud sorti de l'inconscient. Ainsi "capturé" sur un support il ne peut plus nous échapper...


L'intérêt pour le client va du plus évident et immédiat au plus subtil et étalé dans le temps :

  • dans un premier temps, la décharge pulsionnelle permet de déposer sur une toile tous les affects : c'est l'étape du jeu préparatoire qui se pratique avec le corps. Il draine l'inconscient des surcharges envahissantes qui agissent notre vie à notre insu. Cette étape sera adaptée et suffisante pour des publics fragiles comme les personnes âgées, Alzheimer, les handicapés mentaux... qui seront soulagés par l'expression brute


  • Ensuite il y a ce jeu de voir dans les formes abstraites des figures qui vont commencer doucement à parler de ta vie intérieure. Puissamment, ce travail de peinture en train de se faire tissera des liens avec les fils de ta vie et cette étape conviendra aux personnes qui aiment pratiquer la peinture "intuitive" avec des effets miroir mais sans aller jusqu'à l'introspection radicale. Elle se rapproche de l'art thérapie – tout court - dans une pratique souvent nommée le gribouillage.


  • Puis la dernière phase est une création à deux, créateur et thérapeute vont faire surgir le sens de la peinture et le message de l'inconscient : là on a les deux pieds dans l'ATA


  • Ensuite c'est du ressort du client d'honorer le message de son inconscient remonté à la conscience en posant certains actes. Le message impactera durablement sa façon d'être à la mesure des actes symboliques ou réels qu'il aura effectué. Cette dimension relève du degré d'engagement de la personne à redevenir créateur de sa vie.



COMMENT ça se passe ?


A travers une étude de cas nous allons voir ensemble comment ce travail s'opère, et selon quel dispositif.


J'accueille la personne - que nous allons appeler Leila – dans mon atelier et lui indique les modalités du jeu préparatoire.


Ce jeu – parmi beaucoup d'autres – consiste à peindre de la main non dominante avec un maximum de 3 couleurs et le manche d'un pinceau dans la main dominante vient gratter la peinture (Fig 1).

Ça dure peu de temps : 5 à 10 minutes max.



Fig 1


Puis Leila cherche des formes figuratives – comme dans les nuages - alors que la peinture reste dans le même sens.


Les formes n'arrivent pas toutes en même temps ; Leila s'occupe de préciser déjà les premières formes qu'elle a identifiées (fig2).


Elle ne comprend pas la signification de ces figures dont le sens lui échappe... et tant mieux car le mental risquerait de s'en mêler et Leila de s'emmêler les pinceaux.

Cependant elle commence à se raconter une histoire – qui est loin d'être sans intérêt.


Fig 2


Et ainsi elle trouve au fur et à mesure toutes les pièces manquantes ; ici il y a beaucoup de figures. Il vaut mieux éviter qu'il y en ai de trop – surtout si elles sont petites. Ce qui n'est pas le cas.


De tant en tant, Leila a besoin de voir plus clair dans ce qu'elle devine derrière le gribouillage et elle m'interpelle ; l'écoute de l'accompagnant permet de s'entendre formuler ce qui est encore flou, questionne et accompagne en validant, si la consigne d'une forme figurative semble à priori respectée.


Il faut bien se rendre compte que chacun verra des formes différentes sur un même gribouillis, la projection de son inconscient.


Une fois l'oeuvre achevée - en une séance longue ou plusieurs plus courtes -, on convient d'un rendez vous ultérieur pour réserver 1 heure à l'analyse du tableau.


Lors de ce rendez vous, Leila commence par décrire ce qu'elle voit.


Ensuite vient la phase ou Leila fait des liens avec sa vie. Au fur et à mesure qu'elle identifie les figures de sa peinture à des personnes qui font partie de sa vie, le scénario commence à se dessiner.


Une problématique ici est clairement énoncée : la relation de la mère à son fils adolescent rebelle, alors qu'elle vient de se séparer de son conjoint, père de cet enfant.


Le titre de la peinture qu'elle donnera à la fin de l'analyse, "Tragédie ordinaire" viendra résumer sa prise de conscience.




Leila voit sur sa peinture qu'elle est en train de se noyer dans ses inquiétudes et son désarroi. Cette compréhension soudaine la touche profondément, elle s'effondre en pleurs sur sa chaise, le visage dans les mains. Complètement démunie, elle ne sait plus quoi faire, se sent coupable et impuissante.


Dans ces moments délicats où la solution à un problème aigu n'est pas évidente, l'analyste rappelle certaines Lois du vivant et en l'occurence le cadre d'une relation parentale structurante et saine, ainsi que les besoins de l'enfant en fonction de son âge.

Ici il s'agissait notamment de ne pas confondre "couple" et "parents".


J'ai senti Leila se redresser, elle pouvait se saisir d'une compréhension nouvelle pour affronter sa famille autrement.


A la suite de cette analyse, Leila a réuni ses enfants autour d'un repas pour leur parler en toute clarté de leurs besoins réciproques.


Leila me racontait que lorsqu'il a entendu ces mots, le visage de son fils s'est éclairé d'un grand sourire "Tu as raison maman" et il lui a demandé s'il pouvait venir habiter avec elle. Le lien était retissé.


Dans cette peinture d'autres symboles viennent s'articuler autour des figures principales: la forme brute de la femme nue qui a perdu la moitié de son visage (Leila était en train de perdre la face), le lapin (sa fille), le papillon(symbole de transformation), le chien (souvent il fait référence à l'ami thérapeute) et le chat(ici une belle sérénité). Tous portent une signification qui feront qu'à la sortie de l'analyse, le puzzle sera rassemblé et la lumière sera tellement évidente que tous les éléments prendront vie et sens. C'est assez impressionnant.



ENSUITE


La personne analysée comme nous venons de le voir devient responsable après l'analyse de ce qu'elle va en faire.


Il est important de respecter le rythme de chacun à mettre en oeuvre ses changements.

Certains publics rencontrent des difficultés pour enclencher des changements et reconfigurer des schémas récurrents.


Notamment des personnes trop âgées, après 60 ans c'est plus difficile d'engager des revirements. Egalement pour les dépressifs qui peuvent exercer un déni.


En général les personnes qui ne répercutent pas de changements dans leur vie peindront les mêmes schémas symboliques dans leurs oeuvres et l'accompagnement de fait s'arrêtera.



Commentaires

Articles les plus consultés