Il pleut !! Qu'est-ce qu'on fait les enfants ?






Qui ne s'est jamais demandé en regardant tomber la pluie sous un ciel lourd et gris ce qu'il allait bien pouvoir proposer comme activité à ses enfants ?


Que ce soit avec les tiens, ceux des voisins, ton petit fils ou des gamins qui seraient passés par là, et qui sont coincés chez toi, un petit atelier de peinture improvisé peut s'avérer riche en complicité, en créativité et en surprise.

Et le temps risque de passer trop vite ?!!! Là j'exagère un peu....


La proposition ici est de faire un squiggle avec cet enfant, ou avec chacun s'il y en a plusieurs.

Alors qu'est-ce qu'un squiggle ?

C'est un mot anglais souvent traduit par "gribouillis" ou "traces libres" qui nous vient de la pratique du psychanalyste anglais Donald Winnicott. 

Déjà il s'appelait Donald, c'est bon signe ;)


Dans une sorte de jeu à deux, il commençait une trace libre et abstraite et l'enfant était invité à en faire un petit dessin représentatif. Ensuite c'est l'enfant qui proposait une courbe libre et Winnicott la complétait pour partager la figure qu'il y voyait. Et ainsi de suite...


J'ai moi-même pratiqué le squiggle avec ma fille, très réceptive à ce jeu. Nous avons passé de jolis moments à nous étonner mutuellement des projections que nous pouvions faire sur une courbe libre.

Comment chacune en faisait quelque chose de surprenant nous faisait beaucoup rire.


Ce jeu s'aborde de multiples façons :

  • répéter les squiggles et les interprétations sur une même feuille jusqu'à saturation

  • changer de feuille pour chaque squiggle

  • faire chacun un ou deux squiggles puis ajouter de la couleur, de la peinture, des motifs, bref pousser le dessin de la rencontre jusqu'au bout

  • faire choisir à l'enfant un des squiggles pour qu'il réalise sa peinture


Le livre "Jeu et réalité" de D. Winnicott a fait partie des ouvrages phare de mes deux formations en art thérapie. Il y aborde le squiggle, sous l'angle de la notion d'espace transitionnel créé par un objet transitionnel entre l'enfant et l'adulte, qui peut être un squiggle, un jouet, un ours en peluche, une peinture... Le premier objet transitionnel étant le sein de la mère...

Cet espace se révèle être essentiel pour y développer un organe subtil fait de ramifications invisibles permettant de se représenter le monde et de communiquer avec lui.


Voici un extrait qui illustre la pratique du squiggle de Winnicott avec un garçon de 7 ans :


« En mars 1955, un garçon de sept ans fut amené par son père et sa mère au Service de Psychologie du Paddington Green Children’s Hospital. Les deux autres membres de la famille les accompagnaient : une fille de dix ans, qui allait dans une école spécialisée, et une petite fille de quatre ans qui paraissait à peu près normale. Ce garçon avait été envoyé par le médecin de famille en raison d’une série de symptômes indiquant des troubles de caractère. Le test d’intelligence donna un Q. I. de 108. (Je laisserai de côté tous les détails qui ne concernent pas directement notre propos.)
J’eus d’abord un long entretien avec les parents qui me décrivirent de façon précise le développement de leur fils et les distorsions intervenues dans ce développement. Ils omirent toutefois de me raconter un détail important que j’appris en m’entretenant avec le garçon.
Il était facile de voir que la mère était dépressive. Elle dit qu’elle avait été hospitalisée pour une dépression. Le récit des parents m’apprit que la mère s’était occupée de son fils jusqu’à la naissance de la sœur, il avait trois ans et trois mois à l’époque. Ce fut la première séparation importante ; la seconde eut lieu huit mois plus tard, la mère devant subir une opération. Quand l’enfant eut quatre ans et neuf mois, la mère passa deux mois dans un hôpital psychiatrique et, pendant cette période, la sœur de sa mère s’occupa beaucoup de lui. À cette époque, tout le monde disait qu’il était difficile, tout en ayant de très bons côtés. Il lui arrivait de changer brusquement d’humeur, terrifiant tout son entourage en disant, par exemple, qu’il allait couper la sœur de sa mère en petits morceaux. Il manifesta de nombreux symptômes bizarres, entre autres, une compulsion à lécher choses et gens ; il faisait des bruits de gorge compulsifs. Il refusait souvent d’aller à la selle et se souillait. Manifestement, la déficience mentale de la sœur aînée l’angoissait, mais la distorsion dans son développement paraissait être intervenue avant que ce facteur ne devînt significatif.
Après mon entretien avec les parents, j’en eus un avec le garçon sans eux. Deux travailleurs sociaux psychiatriques et deux visiteurs assistaient à la consultation. À première vue, rien d’anormal n’apparaissait chez ce garçon. Rapidement, il se mit à jouer avec moi au squiggle. (Dans le jeu du squiggle, je fais un tracé libre, et je demande à l’enfant que j’examine d’en faire quelque chose ; puis, à son tour, l’enfant fait un squiggle et c’est à moi d’en faire quelque chose.)
Dans le cas de ce garçon, le jeu du squiggle eut un curieux résultat. La paresse de l’enfant apparut immédiatement et tout ce que je faisais, il le traduisait en quelque chose d’associé à la ficelle. Parmi les dix dessins qu’il fit, il y avait :
un lasso,
un fouet,
un manche de fouet,
la ficelle d’un yo-yo,
un nœud de corde,
un autre manche de fouet,
un autre fouet.
Après l’entretien avec l’enfant, j’en eus un second avec les parents que je questionnai sur l’intérêt particulier du garçon à l’égard de la ficelle. Ils dirent qu’ils étaient heureux que j’aie abordé ce sujet ; eux-mêmes ne l’avaient pas mentionné, car ils ne savaient pas si c’était important. Leur fils était devenu obsédé par tout ce qui avait un rapport quelconque avec une ficelle et, chaque fois qu’ils entraient dans une pièce, ils pouvaient trouver des chaises et des tables attachées par une ficelle ou encore un coussin relié à la cheminée par ce même moyen. L’intérêt du garçon pour la ficelle avait pris depuis peu une direction nouvelle qui commençait à les inquiéter sérieusement. Il avait récemment attaché une ficelle autour du cou de sa sœur (celle dont la naissance avait été cause de la première séparation).
Dans ce type d’entretien, mes possibilités d’action sont limitées. Il m’était impossible de voir les parents ou l’enfant plus que tous les six mois, car ils habitaient la campagne.
J’agis donc de la façon suivante : j’expliquai à la mère que son fils redoutait la séparation qu’il essayait de nier au moyen du jeu de la ficelle, de même qu’on nie la séparation d’avec un ami en recourant au téléphone. Elle était sceptique, mais je lui dis que si elle finissait par trouver un sens à mes paroles, je souhaitais qu’elle aborde le sujet avec son fils au moment opportun et qu’elle lui rapporte notre conversation. Puis qu’elle développe la question de la séparation en tenant compte de ce que lui aurait répondu l’enfant.
Je n’entendis plus parler d’eux pendant six mois puis, un jour, ils revinrent me voir. La mère ne me dit pas ce qu’elle avait fait, mais je la questionnai et elle me raconta ce qui s’était passé peu après la visite qu’ils m’avaient faite. Ce que je lui avais dit lui avait paru un peu bête mais, un soir, elle avait abordé la question avec son fils et avait constaté qu’il était très désireux de parler de la relation qu’il avait avec elle ainsi que de sa peur de ne pas avoir de contact avec elle. Avec son aide, elle évoqua toutes les séparations auxquelles elle pouvait penser et elle fut bientôt convaincue par ses réponses que ce que j’avais dit était vrai. De plus, le jeu de la ficelle cessa immédiatement après cette conversation. L’enfant ne cherchait plus, comme il l’avait fait jusque-là, à réunir des objets. La mère parla encore fréquemment à son fils du sentiment qu’il avait d’être séparé d’elle et fit à ce propos une remarque judicieuse. Elle avait perçu que la séparation la plus importante avait eu lieu au moment de sa dépression, l’enfant avait alors éprouvé le sentiment de l’avoir perdue. Ce n’était pas simplement le fait qu’elle fût partie, dit-elle, mais parce qu’elle n’avait pas de contact avec lui, étant entièrement absorbée par quantité d’autres choses. »



Sans en faire une pratique psy, le squiggle peut constituer une activité ludique partagée que les adultes apprécient autant que les plus jeunes.

Les différences de niveau de compétences sont souvent gommées : peu d'adultes savent vraiment dessiner et les enfants ont un imaginaire très prolifique.

Ça peut s'apparenter à un Rorschach – projection de son inconscient dans une tâche - en plus ludique, et à deux. 


La connivence qui se développe entre l'enfant et l'adulte est authentique, l'adulte ne se mettant pas à "la hauteur" de l'enfant pour le laisser gagner, ou lui être agréable, ou ne pas chatouiller sa susceptibilité...


A VOUS DE JOUER

Commentaires

Articles les plus consultés