Quand une peinture vous dit comment vont vos enfants

Frère et soeur - C.


Aujourd'hui j'ai le goût de vous présenter une étude de cas, avec l'accord de l'analysée que je baptise ici Charlène.

A la fin de la création picturale faite selon le processus propre à l'analyse qui va suivre, je propose à Charlène d'écrire une autolouange sur sa peinture que nous contemplons toutes les deux. Elle nomme cette création Le père et son enfant.

De mon côté j'écris également une autolouange, avec mes projections à moi :


Trente trois

Trois et trois

Je sonne les clochettes de la haute montagne

Je porte le Mystère des origines

Issue de 2 pères, Je nais enfant nacrée messagère des Anges

Mon doux regard caresse les profondeurs obsidiennes

Légère, Je suis plume d'Ambre

Ma clarté ruisselante flotte sur les vents de givre

Je remonte les veines de Pourpre et de charbon de la Grande Mère

Au fond des Abysses Je suis Soleil d'encre

Je pleure des larmes de cristal sur mes malheurs 

Je suis baiser de soie sur mes plaies

Je suis Délivrance inconditionnelle

Dans le puits sans fond de l'agonie de mon égo.


Avec l'analyse ci-dessous on peut voir clairement que mon autolouange ne concerne que moi. Ce qui nous invite encore une fois à l'humilité quand il s'agit des autres, et de croire que l'on sait pour eux ;)

L'intuition du thérapeute pour servir l'accompagnement est totalement focalisé sur l'autre. Et quand elle s'invite dans l'interprétation, elle se propose - sans s'imposer - pour élargir la vision. 

Puis vient l'analyse. 

Après l'étape descriptive et objective, Charlène change d'avis sur ses premières impressions. Il ne s'agit pas d'un père et de son enfant mais d'un frère et de sa soeur. Plus exactement de son fils et de sa fille.

Cette peinture rappelle à Charlène une scène récente où sa fille - d'une trentaine d'année - se met à pleurer, de manière inattendue. Le contexte est serein, et pourtant l'idée d'aller rendre visite à l'ex-compagne de son père - qui habite dans cette ville - fait remonter la peine qu'elle a éprouvé enfant, lorsqu'ils se sont séparés.

Charlène a reconnu les traits de son fils dans le personnage en bleu. Enfant il était le grand frère attentionné et gentil de sa soeur. Aujourd'hui jeune père d'un bébé, Charlène voit clairement son côté père protecteur bien développé.

Sur le tableau la jeune soeur lui tend une plume. Qu'est-ce que cela peut évoquer pour Charlène ?

C'est un témoignage d'affection, de la douceur, de la gentillesse.

L'homme rouge, depuis que Charlène l'a posé sur la peinture est une présence désagréable. Elle appréhende de l'aborder. Elle n'y voit personne en particulier mais plutôt un symbole. Symbole de la méchanceté humaine ?  Quelque chose de destructeur ? Une colère rentrée chez ses enfants ou chez elle ?

C'est un peu vague... nous continuons l'investigation.

Elle se remémore les confidences intimes que le père a faites à sa fille qui avait à peine une dizaine d'années et en parlait à sa mère Charlène. Elle s'en souvient car le visage de sa fille sur la peinture est triste, ses yeux clos et cette figure rouge et agressive lui presse le dos et l'enserre de l'autre côté, tout en gardant le lien avec le frère - son fils.

Une peinture symbolique est une sorte de rêve éveillé. Son interprétation est "étalée" c'est à dire qu'elle peut se lire sur plusieurs niveaux à la fois. On dit souvent que tous les personnages d'un rêve représentent une facette du rêveur. J'ai tendance à croire que tout ce que nous vivons - qui nous touche - est également en résonance avec une part, plus ou moins consciente, de ce que nous sommes.

Cet homme en rouge représente la colère, la vindicte, les revendications. Il peut aussi parler d'un comportement d'un proche ou de soi. Il peut également évoquer une menace dont il s'agit de s'occuper en amont... Bref la lecture d'une peinture et de son message se ramifie en surface et en profondeur (dans le passé et dans la généalogie, parfois dans le futur).

Charlène avoue qu'elle éprouve encore de la colère envers le père de ses enfants dans l'influence négative qu'il a pu avoir sur eux, car selon elle ils auraient souffert des difficultés affectives de leur père.

Pourtant autre chose remonte à la surface : sa fille est en arrêt maladie pour burn out à la suite d'un harcèlement d'une collègue sous sa responsabilité qui la maltraite continuellement. Elle n'en peut plus et songe même à quitter cet emploi. Cet homme rouge pourrait parler de cette femme, de son côté masculin négatif qui agresse, humilie et rentre en compétition. Clairement je comprends que sa fille est fragilisée en ce moment et a besoin de soutien. 

Car la chose qui m'obsède pendant une analyse est la question suivante : quel message l'inconscient a-t-il voulu communiquer à l'auteur ? Quelle est l'urgence s'il y en a une ? Ou bien simplement quelle est l'invitation pour plus de vie, plus de joie, plus de partage?

Nous abordons alors les deux animaux sur un second plan derrière les figures du premier plan.

Pour Charlène c'est un renne qui passe placidement derrière la tête de son fils. Il lui évoque Noël. D'ailleurs son fils est vêtu chaudement d'un pull avec col roulé et un bonnet de laine avec son petit pompon qu'il soulève de sa tête comme pour saluer.

Le renne est dans les pensées de son fils. Il commence peut-être à songer aux préparatifs des fêtes.

Le canard qui semble sortir de la tête de l'homme rouge s'ébroue pour sortir. C'est un peu l'oiseau de basse-cours qui fait du bruit, qui cancane. Beaucoup de bruit pour pas grand chose.

Synthèse :

Charlène est alors convaincue que sa fille a besoin d'aide. Et même elle tend la main pour demander de l'aide - la plume serait une invitation à s'écrire ? Elle a besoin de se sentir soutenue par son frère et sa mère.

Pourquoi l'évocation de Noël est-elle apparue dans cette peinture ?

Tout n'est qu'hypothèse mais du moment où elle vous touche et quelle semble contribuer à plus de vie et de joie, l'inconscient devient votre partenaire et la vie est plus fluide.

Alors peut-être que l'approche des fêtes de fin d'année sont l'occasion pour cette famille de resserrer les lien en préparant ensemble cette période festive autour du foyer, qui est aussi le symbole de la lumière intérieure que sont ces liens familiaux d'amour, au plus sombre de l'année.


Après cette analyse, Charlène a fait une relecture de son autolouange et l'a modifiée. Voilà ce que ça donne :


Je suis douceur nostalgique, soleil printanier, transmettant de gracieux et précieux message d'amour fraternel.

Je suis colère endiablée. Je crache mon venin à la gueule des ordures. Haine et violence, tels sont mes maîtres mots. Taisez-vous ! Je suis là, écrasant, débordant, tenace et laid.

Je suis petit cœur d'amour, au centre des turbulences d'orage, de feu, de tempêtes d'éclairs. Je suis messagère de tendresse et d'espoir, je suis précieuse, point central de vie, naissance de l'univers, immensité profonde et étincelante.

Je suis chaleur d'hiver, douillette, gracieuse. Bleue de calme, ciel, nuage douillet, soyeux. Espace lumineux et silence d'oiseaux.

Je suis renne des blanches plaines, animal mythique, image d 'Epinal stupide et merveilleux, rêve fabuleux d'enfant gâté.

Au delà du tout, je suis couvre-chef joyeux, plumeux et pomponné, emportant dans le vent léger les tristesses écarlates et saluant la beauté du monde.







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